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L'enfance
C’est à Remiremont, petite ville de Lorraine sur la rive gauche de la Moselle, que naît Alix le 2 février 1576. Son père Jean le Clerc et sa mère Anne Sagay appartiennent à un milieu social aisé et donnent à leur fille une éducation chrétienne.
On a peu de détails sur l’enfance et l’adolescence d’Alix; elle grandit " en beauté et en sagesse" entre des parents qui la chérissent.
Elle est décrite comme une jeune fille sympathique, douce et modeste. Elle a, dit-on, " l’esprit sain et le jugement bon ". On envie son physique, son charme naturel et son air distingué.
Vers seize ou dix-sept ans, Alix aime le monde, elle fréquente assidûment, en compagnie de jeunes gens, toutes les fêtes mondaines des alentours. Ce sont les danses, les rires et les plaisirs futiles qui l’attirent, et non pas la vie religieuse.
À cette époque, elle se contente de quelques prières et d’une attention distraite aux offices.
La vocation
Mais la lecture d’un ouvrage sur la confession va brutalement bouleverser sa vie et éveiller sa vocation. Rien ne sera plus comme avant.
En 1595, pour hâter la convalescence de Jean le Clerc, la famille déménage et s’installe à Hymont. Ce village, calme et champêtre se situe à une demi-lieue de Mattaincourt où Alix se rend à l'église pour les offices religieux.
La rencontre de Pierre Fourier
Le 1er juin 1597, un nouveau curé a été nommé à Mattaincourt, c’est Pierre Fourier.
Avant même de le rencontrer, Alix, troublée par des rêves et des appels de Dieu, décide de changer radicalement de vie. Elle fait vœu de chasteté, elle se retranche du monde, elle porte désormais un vêtement grossier et un voile blanc, elle passe pour folle, ses parents sont désemparés.
Elle rencontre alors le Père Fourier à qui elle fait part de son désarroi d’avoir depuis le début de sa vie offensé Dieu.
Ayant refusé d’entrer chez les Clarisses de Pont-à-Mousson ou chez les Soeurs Grises d’Ormes, elle veut "faire une nouvelle maison de filles, pour y pratiquer tout le bien que l'on pourrait."
(Cf. Relation d'Alix Le Clerc)
L'origine de la Congrégation Notre-Dame
Le projet éducatif
Dans la nuit de la Saint-Sébastien, le 20 janvier1598, Pierre Fourier, en prière, comprend la suite à donner au projet d’Alix. Il va orienter ces jeunes filles vers le service de l’enfance.
Lui-même, en effet, déplore les mentalités de son temps, les ravages de l’hérésie, les mœurs dépravées, l’ignorance du peuple qui se laisse séduire par n’importe quel mensonge.
Il mesure toute l’importance de l’éducation et de l’instruction si négligées alors.
Le nouvel Ordre qu'il va fonder avec Alix Le Clerc répondra à toutes les urgences de l'époque, en restaurant la société par l'éducation des enfants.
À Poussay
Après un séjour au couvent des Soeurs Grises d’Ormes, c’est à l’abbaye de Poussay, sur la proposition de Madame d’Apremont, dame chanoinesse, qu’Alix et ses compagnes s’installent.
Une retraite de probation, destinée à faire le point sur leur vocation est minutieusement préparée par P. Fourier.
Au terme de celle-ci, chaque participante confirme son désir de s’engager dans la vie religieuse.
C’est à ce moment que P. Fourier précise le projet de destiner l’Ordre à l’enseignement des filles.
La première école
Dès lors, la communauté des filles enseignantes est fondée, il ne lui reste qu’à recevoir des statuts et l’approbation officielle de l’Église.
Après quelque temps, les jeunes Sœurs quittent l’abbaye et s’installent dans une petite maison
en face de l’église de Poussay : ce sera la première école.
Le premier règlement
P. Fourier rédige alors le premier Règlement (dit provisionnel, c'est-à-dire provisoire) qui précise que l’enseignement est gratuit et destiné aux petites filles riches et pauvres.
Y sont mentionnés également les rôles, missions, devoirs... des institutrices.
(Cf. Relation d'Alix Le Clerc)
Alix institutrice : 1598
Durant l’été 1598, Alix inaugure sa vie d’institutrice dans cette petite école populaire.
Elle accomplit sa tâche dans le recueillement car elle est " fille de grand silence ", " si occupée de Dieu qu’on peut dire que son oraison était continuelle ".
Son modèle était la Vierge Marie elle recommanda toujours de l’appeler à l’aide face à l’épreuve.
Alix supérieure
L’évêque de Toul, Christophe de la Vallée autorise le maintien de l’Ordre jusqu’à ce qu’on obtienne, en cette année 1598, l’approbation du Pape.
Le 22 juillet 1599, l’école est transférée à Mattaincourt et Alix en devient la supérieure.
Affluence dans les écoles
Les élèves affluent de toutes parts , plusieurs jeunes filles demandent à entrer dans la Congrégation et viennent grossir le nombre des institutrices.
Vie des religieuses
La vie de ces religieuses est très rude, faite de travail, de pénitence, d’abnégation et de refus du moindre confort; leurs maigres ressources proviennent du travail effectué après la classe.
Étonné mais déjà gagné au projet d’Alix, Pierre Fourier lui demande de trouver d’autres filles désireuses de la suivre.
Alix lui présente bientôt Gante André, Isabeau de Louvroir et Claude Chauvenel et la demoiselle Barthélemy.
Prudent, le Père Fourier attend jusqu’en décembre 1597 pour autoriser Alix à s’engager avec ses compagnes publiquement pendant la messe de minuit.
S’engager à quoi ?
À faire une sorte d’adieu au monde, à faire un cloître de sa propre demeure, à prier, à méditer, à visiter les pauvres et à enseigner le catéchisme aux enfants.
Vêtues de façon identique et très simplement, elles communient ensemble, les premières de la paroisse.
Naissance : Noël 1597
À Mattaincourt, elles s'engagent à se consacrer à la Vierge Marie mais ne prononcent pas de vœux.
Cette nuit de Noël 1597 marque la date de naissance de la congrégation Notre-Dame.
Attaques contre la congrégation
Pierre Fourier et Alix Le Clerc doivent faire face à toute une série d’attaques dirigées contre leur œuvre : le refus de Jean le Clerc, le père d’Alix, de laisser sa fille entrer dans un ordre nouveau non reconnu, les dissensions avec l’abbesse de Poussay et encore le combat mené par le Père Fleurant pour dissoudre la congrégation trop fragile à ses yeux.
P. Fourier veut laisser faire la Providence. La volonté d’Alix l’emporte, l'œuvre est sauvée.
Les premières fondations
Commence alors, avec le 17ème siècle, l’époque des fondations: en 1602, on ouvre une école à Saint-Mihiel, en 1603, une à Nancy sur la demande du cardinal Charles de Lorraine.
Fin 1604, Pont-à-Mousson réclame son école et en 1605 Saint-Nicolas-de-Port a la sienne.
En 1608, on passe les frontières de la Lorraine en s’installant à Verdun.
Reconnaissance de Nancy
La fondation de Nancy est significative de la réputation des premières écoles et aura des conséquences capitales pour l’avenir de l'Ordre.
C’est à Nancy que le 8 décembre 1603, le cardinal de Lorraine approuve la Congrégation sous le nom de " Congrégation de la bienheureuse Vierge Marie ou de Notre-Dame ".
Que devient Alix durant ces années ?
Elle est à l'origine de la fondation de la majorité de ces écoles.
Aidée d’autres religieuses, elle relève le défi : partant de rien, à chaque fois, elles s’installent dans la pauvreté, luttent, effectuent les travaux les plus durs et les plus misérables pour s’assurer quelques rentrées d'argent et garantir un enseignement gratuit.
Esprit de la fondation
Dans chaque nouvelle fondation, l’esprit est le même : le travail, le don de soi, la prière comblent une existence sans retour inutile sur soi-même.
Autre lutte menée et gagnée par Alix, l’achat d’un ancien monastère : le Prieuré Notre-Dame à Nancy situé au cœur de la Vieille Ville.
Moment de découragement
Depuis le début, Alix fait preuve d’une résistance sans faille aux attaques, aux critiques dirigées contre l’ordre ; les ennuis financiers, les dissensions qui déchirent la Congrégation ne l’ont jamais découragée ; mais, en 1609, elle traverse une douloureuse crise
qui ébranle sa foi en même temps que sa vocation.
De Nancy, elle se rend alors à Mattaincourt, auprès de Pierre Fourier où un séjour de deux ans lui permet de retrouver son équilibre.
Nouvel élan
Chaque fois qu'une fondation rencontre des difficultés, Alix y part et, chaque fois, ses qualités permettent le redressement rapide et efficace de celle-ci.
" Elle achevait ainsi de donner les preuves de sa valeur. Autour d’elle, où qu’elle parût, les ressources et les vocations pullulaient, tant était grand le prestige de sa sainteté. Cette mystique était non seulement un excellent administrateur, mais encore une supérieure d’élite capable d’infuser aux femmes qu’elle gouvernait le vrai esprit de religion. "
De Verdun, qu’elle dirige pendant plusieurs mois, Alix part en décembre 1613, accompagnée de six autres religieuses dont sa préférée Angélique Milly, installer une école à Châlons qui sera la première dans le royaume de France, et c’est en 1615, qu’elle revient à Nancy avec sœur Angélique.
Statut juridique
La congrégation se trouve toujours dans un statut juridique précaire. L’approbation du 8 décembre 1603 donnée par le cardinal de Lorraine ne suffit plus.
P. Fourier pense qu’il faut obtenir la reconnaissance du Saint-Siège. À cet effet, il entreprend de nombreuses démarches et adresse plusieurs requêtes aux personnes pouvant l’aider.
L’objection majeure réside dans le fait qu’on ne peut admettre dans un même Ordre religieux la clôture et l’enseignement aux externes.
Marie-Claire Tihon rapporte que "Prévoyant l'échec des pourparlers romains, on songea à imiter Mme de Lestonnac, fondatrice d'une congrégation enseignante, aussi appelée des Filles de Notre-Dame. Un bref de 1607, obtenu par elle par le cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, avait rattaché son institut à l'ordre de Saint Benoît (sans dépendance aucune avec les Bénédictins et avec une règle inspirée de celle de saint Ignace...), ce qui la dispensait de toute autre approbation pour établir des monastères et tenir des écoles. Cette façon de tourner le droit parut avantageuse aux filles de Pierre Fourier et Mgr de Maillane fournit sans difficulté une supplique demandant à Rome d'ériger la congrégation lorraine sous la règle de saint Benoît. (...) toutes [les supérieures] furent d'avis de postuler le bref, toutes sauf Alix Le Clerc. Elle avait reçu de Dieu la réponse «que l'affaire ne s'établirait point ainsi», estimant la règle de saint Benoît impropre à leur vocation car plus adaptée à la vie monastique. Fourier abonda dans son sens, l'un et l'autre s'accordant à préférer la règle de saint Augustin."
De fait, cette règle permettrait une orientation apostolique.
Alix reste fidèle au projet initial : fonder un nouvel Ordre avec ses propres Règles. P. Fourier rédige alors " le Sommaire du Dessein des Filles de la Congrégation de la bienheureuse Marie ", dans lequel il définit le but poursuivi par la Congrégation:
- tâcher à faire tout ce qui se peut de plus dévot, de plus parfait et de plus grand.
- instruire gratuitement les petites filles;
- porter aide au prochain dans la mesure des forces, du temps et des ressources;
-.....
Il réclame aussi au nom des religieuses de pouvoir:
" vivre en clôture sous la règle de Saint Augustin, mais que la résidence dans leur maison soit permise à leurs pensionnaires, en chambres séparées des lieux réguliers, et aux écolières externes, l’entrée en leurs classes qui seront enfermées aux mêmes pourpris du monastère. "
Sans attendre l’approbation de Rome, on entame la construction du premier Monastère de Nancy (1615) car le cloître Notre-Dame ne suffit plus.
Les travaux dureront plus de seize mois. Les deux premières Bulles, émanant de Sa Sainteté,
celle du 1er février 1615 et celle du 6 octobre 1616, sont, hélas, incomplètes et insuffisantes.
C'est la Bulle d’Urbain VIII, " Pro pastoralis officio " du 8 août 1628 qui sera la charte véritable de la Congrégation Notre-Dame.
Constitutions de 1617
Après vingt années d’effort, la Congrégation Notre-Dame est reconnue comme un ordre à part entière.
Les Constitutions du Monastère de Nancy, rédigées par P. Fourier sont approuvées le 9 mars 1617.
En novembre de la même année a lieu l’entrée dans le monastère et donc pour les religieuses,
le moment de prendre l’habit et de se soumettre à la clôture.
La Prise d’Habit de nos religieuses est célébrée le 21 novembre 1617 par le nouveau Primat de Lorraine, Antoine de Lenoncourt (1569-1636), très solennellement en l'église de la Collégiale Saint-Georges. Alix reçoit le nom de Thérèse de Jésus. Et il est probable qu'au cours de cette cérémonie, elle se rappela avec beaucoup d’émotion, les vingt années qui la séparaient de la nuit de Noël 1597.
Les vœux
Après une année de noviciat, les sœurs prononcent leurs vœux et s'engagent définitivement dans la vie religieuse. Tout naturellement, Alix est élue Supérieure de Nancy. La question lancinante est alors de savoir si toutes les maisons doivent être réunies et subordonnées à celle de Nancy.
Primauté de Nancy ?
Les religieuses doivent-elles faire une profession commune à Nancy ? Des discussions animées opposent Gante et l’évêque de Verdun, d’une part, les jésuites, le Primat, Antoine de Lenoncourt et Alix d’autre part. P. Fourier, entre les deux camps, hésite. On abandonne l’idée de l’union mais on place toutes les fondations de la Congrégation sous l’autorité spirituelle d’un " visiteur " qui est chargé de veiller au bon fonctionnement des maisons et au respect des Constitutions.
Le visiteur : Pierre Fourier
P. Fourier est nommé visiteur en 1618. En avril 1619, la Congrégation compte neuf maisons, dont trois monastères.
Dans les années 1619-1621, d'autres maisons s’établissent à Epinal, La Mothe, Soissons et Dieuze.
La personnalité d'Alix
Comment cerner davantage la personnalité de Mère Alix ?
Les valeurs qu’elle défend et met en pratique quotidiennement sont certainement l’abnégation, l’obéissance et la soumission scrupuleuse à la règle.
Elle aime les offices auxquels elle participe recueillie et absorbée en Dieu.
Sa foi et sa ferveur donnent à son visage quelque chose de majestueux, de divin qui témoigne de sa tranquillité intérieure. Elle vit dans la pauvreté et l’humilité ne s’accordant rien pour elle-même, s’adonnant aux travaux les plus humbles. Elle est un modèle de simplicité et de sincérité, qualités qu’elle impose dans sa Maison.
Elle réclame des Sœurs et des écolières la sincérité dans les actes et dans les paroles.
La nuit très souvent, elle veille, en extase, unie à Jésus-Christ auprès de qui elle trouve le courage de supporter ses maux et le secret de souffrir en silence. Dans sa ferveur mystique, elle ne néglige aucun de ses devoirs : elle assume avec autant de passion et d’ardeur son rôle de supérieure et sa charge d’institutrice. C’est une supérieure attentive qui s’intéresse à tout, connaît tout : sa maison, ses religieuses, ses novices et ses écolières. Elle déteste le superflu mais veille à ce que rien d’utile ne manque. Elle est particulièrement attentive aux malades qu’elle soigne et réconforte elle-même. Elle veille à la clôture rigoureuse de sa maison. Elle consacre beaucoup de temps à la formation des novices, en les initiant aux offices liturgiques et au chant ; en essayant d’en faire des femmes d’oraison et de prière, elle veut les amener au recueillement parfait. Enseigner est pour elle un besoin. Elle aime les enfants et s’occupe en priorité des pauvres envers lesquelles elle déborde de douceur et de patience. Elle s’attache surtout à donner à ses écolières de grandes leçons de spiritualité et de doctrine.
Conception de l'enseignement
Elle refuse (comme Fourier) toute pression sur les esprits, aussi accepte-t-elle, contre l’avis du cardinal de Lorraine, les petites protestantes dans ses classes.
Aux yeux de E. Renard, l’essentiel est de former des chrétiennes : " Apprendre à vivre, voilà le tout : armer les enfants pour les luttes et les munir pour le long voyage qu’ils doivent accomplir, c’est ce que se propose avant tout l’éducateur. Mais vivre, c’est assurer le triomphe du bien. Les armes nécessaires sont les vertus cardinales de force, de prudence, de justice et de mesure (…). Devenir un grand chrétien est plus important que se couvrir de titres et de diplômes, entrer dans les secrets du ciel presse plus qu’entrer dans ceux de la science et de la philosophie. "
De l’enseignement, E. Renard explique : " C’est une noble besogne. Il met en œuvre les plus belles ressources de l’homme, dont le cœur et l’intelligence qui collaborent avec la volonté qui soutient leur effort. Il enrichit l’enfant des connaissances qui lui seront utiles, lui donne de saines habitudes, de hauts principes moraux, un idéal qui l’élève au-dessus des médiocrités de sa nature et de son entourage, lui inspire le goût du beau et du bien, la conviction que la générosité et le don de soi sont les véritables assises du bonheur humain et lui procure cette connaissance de Dieu qui le révèle à l’âme comme son solide appui et sa fin suprême. Mais, si l’enseignement a de quoi passionner, il est une cause d’épuisement terrible. Seuls, ceux qui l’ont pratiqué connaissent les difficultés dont il est hérissé, les énervements, les monotonies, les longueurs, les lassitudes qui en sont inséparables et comme il faut de l’indulgence et de la fermeté, de la bonté et de la rigueur, de la clarté et de la profondeur, de l’audace et de la prudence pour y réussir. Dans une tâche qui requiert tant de qualités diverses et qui exige une dépense considérable de force nerveuse, il n’est jamais permis de mesurer ni sa peine ni sa fatigue : on doit accepter à l’avance l’ingratitude comme récompense et ne point prétendre à la récolte des fruits de ses semailles. Le soir, on est plus fourbu que le laboureur qui a remué ses sillons ou porté ses gerbes de blé, et toute l’année, on recommence. "
La fin d'Alix
"Je vivrai plus de quatre ans dans le nouveau monastère" dit Alix à Angélique en 1617.
Dès 1620, sa santé décline sérieusement, elle est régulièrement fiévreuse, un mal de poitrine la mine. Monseigneur Blanchet dépeint ses occupations : « " Toujours égale et tranquille, avec une douceur et sérénité de visage comme si rien ne lui eût fait peur...; elle se savait si bien vaincre parmi ses grandes afflictions d'esprit que celles qui conversaient d'ordinaire avec elle n'y ont jamais pu rien remarquer ". Regardons ce qui nous est ici rapporté : C'est trop beau pour que nous ne le contemplions pas. Alix angoissée ne sait plus où est son esprit, elle sent les grands frissons dont elle a parlé parcourir son pauvre corps défaillant; mais le travail est là, qui réclame la présence de l'esprit et du corps ; ses sœurs ont besoin d'elle, les enfants n'ont pas à pâtir de son intime supplice. Il faut réunir les maîtresses, veiller à l'ordre de la maison, vérifier les modestes comptes, penser aux plumes et aux canivets, mettre en tout et chez toutes un esprit de confiance et de joie ; il faut faire chanter. Oublieuse d'elle-même, gardant une libre paix à l'extrême pointe de ce qui reste intact en elle, Mère Alix, exacte, attentive, sereine et bonne, fait sa tâche quotidienne. Le combat se dénoue en victoire, le chef d'œuvre s'accomplit en simplicité. Docile à Dieu en tout abandon, attachée à son seul service, vaillante sans dureté, humblement douce, donnée à tout besoin, Mère Alix achève sa conquête d'elle-même dans la charité modeste et dévouée, vraie fille de Pierre Fourier et modèle des religieuses de Notre-Dame. Il y a un monde des âmes et chaque âme est un monde. Qui eût dit que la jolie danseuse de Remiremont serait un jour si avide d'effacement et de dépendance, mènerait dure vie à son corps, et se donnerait dans l'abnégation bienfaisante ? Qui le lui aurait dit à elle-même eût entendu sans doute le joyeux rire de son incrédulité amusée.»
Malgré son état de santé, Alix montre l’exemple n’écoutant pas ses sœurs qui l’exhortent à se ménager. La résistance humaine a une fin, dès le début de l’année 1621, Mère Alix reste alitée et supplie qu’on la décharge de sa fonction de supérieure pour terminer sa vie sereinement en tant que simple religieuse.
Le 19 décembre 1621 Angélique Milly, disciple préférée d’Alix, est élue supérieure de Nancy.
Le 9 janvier 1622, à 46 ans, Mère Alix meurt entourée des sœurs de sa Congrégation.
Collaboratrice éclairée de P. Fourier et soucieuse de réaliser avec fermeté et continuité la pensée de celui-ci, elle fut pour lui une aide précieuse à bien des moments.
Il est arrivé à Alix de heurter le Père Fourier, il est arrivé à celui-ci inquiété par son mysticisme de ne pas la comprendre. Jamais cependant, il ne manqua de rendre hommage à ses mérites, c’est auprès d’elle qu’il s’éclaira pour la rédaction des Constitutions. Cette jeune fondatrice est admirée, elle qui dans le désordre spirituel de cette époque est entrée de façon si énergique dans l’esprit de réforme prôné par le Concile de Trente. |
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